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Loup y es tu ? Oui ! Je suis dans les gorges de l’Allier

D 20 juin 2014     H 10:44     A mko     C 0 messages


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Nous en avions déjà parlé au début de l’an dernier... du loup mais il revient sur le devant de la scène avec cette attaque sur un jeune veau dans l’Aubrac lozérien ce mercredi 13 juin 2014 relatée par Midi Libre. Elle laisse Adrien Pourchalsac perplexe.

C’est que des pressions il y en a et les antis loups sont nombreux ! Cette histoire de bovin attaqué par le canidé l’étonne et l’amène à quelques réflexions.

Dans l’entretien qui suit il nous confirme qu’au moins une quarantaine de loups vivent dans le sud du massif central et dans les gorges du Haut-Allier. Nous allons essayer de comprendre pourquoi la présence du loup peut-être bénéfique pour toute la chaîne du vivant, et comment la Haute-Loire, la Lozère pourraient en tirer parti.


Adrien est bien connu dans la région de Pradelles pour être un passionné de la Bête. Il est chargé de mission auprès de l’UNESCO pour le classement de la Bête du Gévaudan au patrimoine oral et immatériel, il est le créateur de la Tanière de la Bête à Pradelles, et s’est investi aussi dans le premier festival de la Bête en Gévaudan de Langogne en 2013. Un festival qui s’arrête cette année suite à des pressions diverses et variées.

Sachant que le loup ne s’attaque pas aux animaux en troupeaux, il pense qu’il pourrait s’agir d’un isolement, d’une mise à l’écart, volontaire d’un jeune veau, dans un secteur connu pour être fréquenté par le canidé.

Il se pourrait que ce ne soit peut-être pas l’oeuvre d’un loup mais de chiens errants, et seule une analyse ADN pourrait le déterminer.

Il peut aussi s’agir d’après lui d’un montage des Jeunes Agriculteurs (CDJA) pour continuer à faire parler des attaques de loups avec des visées sur les dédommagements sur les troupeaux de bovins, une extension que leur a promis aussitôt le préfet de Lozère d’ailleurs. Seuls les ovins étaient concernés jusqu’à présent.

Les indices de sa présence

Hormis l’analyse fine de ses excréments par typage génétique qui permet de différencier avec certitude sa trace, de celle d’un renard, d’un chien, d’un lynx ou de tout autre animal, il est très difficile pour un non expert et même pour un chasseur de noter sa présence. Il semble que l’un des faits les plus spécifiques soit que, lors d’un repérage d’empreintes dans la neige, plusieurs loups qui se suivent marchent strictement dans celles du premier. Lors d’une séparation on voit nettement une seule trace partir dans plusieurs directions.

Son rôle dans la biodiversité

"Le rôle du loup est très important, il est complexe, il domine toute une chaine alimentaire, et à travers cette chaine alimentaire il participe à son patrimoine génétique, c’est-à-dire que sans le loup on a des chevreuils, des cerfs, des sangliers qui vont dévaster les forêts parce qu’ils n’ont pas de prédateurs. Ils vont arriver dans un endroit où on a des jeunes pousses d’épicéas et ils vont les bouffer. Avec un prédateur comme le loup ils sont obligés eux de se déplacer et donc on a par le loup une préservation de la forêt. Mais le capital génétique des espèces dominées par le loup et prédatées par le loup est lié au loup. Prenons les femelles chez les ongulés, dès qu’il y a de la présence de loups sur leur territoire elles vont faire des petits... la sélection naturelle des petits va être meilleure, elles vont faire des petits plus solides, et elles vont en avoir plus. C’est-à-dire que la reproduction des chevreuils sera plus importante avec du prédateur que sans. Les gens l’ignorent. Il permet ensuite une diversité végétale dans la forêt très importante dans la mesure où il n’y aura pas d’endroits où les ongulés, cerfs, sangliers, chevreuils, biches etc. vont pouvoir tout bouffer. Il faut savoir que le puits de lumière sur la végétation n’est pas le même pour une vache que pour un chevreuil par exemple. Mais si on cumule dans un élevage domestique où on a des vaches, beaucoup de chevreuils, beaucoup de cerfs etc. on malmène la couverture végétale. Avec le prédateur au moins on a une circulation des ongulés qui va protéger cette couverture. Ensuite on a la ripisylve. La ripisylve c’est ce qu’on nomme communément la berge. La berge elle est faite des ruisseaux, des rivières et des fleuves, elle est faite de strates herbacées donc des herbes, de la massette, du jonc... elle est faite de strates arbustives, de petits arbres, et puis de grands arbres et cela compose le long des berges des ruisseaux, des rivières et des fleuves un système racinaire complet qui va filtrer tous les polluants des agriculteurs : les nitrates. Ça va les stopper, ils vont être filtrés par ces systèmes racinaires, ils ne vont pas arriver par l’effet de pluies dans la rivière. Et ces systèmes racinaires vont fixer aussi les phosphates, les produits ménagers des lessives... Mais on va avoir un jeu d’ombre sur la rivière donc ça va aussi créer une température idéale des eaux pour les frayères à salmonidés, saumons et truites. Sans ce système on va avoir une érosion des berges mais surtout une circulation de l’eau plus rapide. Les crues sont provoquées quand la pluie glisse des pentes sans être retenue par les systèmes racinaires, herbacées et arbustives. Donc sous forme d’un effet papillon ça va ralentir la vitesse de circulation de l’eau dans nos ruisseaux, nos rivières et nos fleuves. Et de là il y a une limitation des crues en aval sur nos villes bétonnées. Il faut le comprendre. Le rôle des grands carnivores comme le loup ou le lynx va très loin en Europe. Ou le chacal doré qui lui est un chacal... ce n’est pas un grand prédateur mais quand même son rôle est très intéressant quoique secondaire. Pour faire court le loup sur la filière sylviculture a un rôle très important. Quand on prend les métiers dérivés c’est 400 000 emplois en France. Il joue un rôle très important sur les crues, sur le ralentissement des crues puisqu’il agit sur la forêt. Si on avait des crues dans le sud de la France c’est parce qu’on n’avait plus de forêt, que des moutons dans les montagnes cévenoles. Le fait que l’Europe défende l’idée qu’il faut cohabiter avec les grands prédateurs ça va nous apporter une eau de meilleure qualité au robinet et surtout ça va la freiner en direction de la mer, et ça va augmenter nos réserves d’eau. Voilà. »

Où se trouve-t-il et depuis quand ?

« On a un retour du loup depuis l’Italie qui a débuté, non pas comme il s’est dit officiellement dans les années 90, mais bien avant ! Dès l’après guerre nous avons des populations de loups apennins qui ont traversé les Alpes, sont arrivés en France, ont traversé le Rhône et sont venus dans le massif central. »

Sur les cartes on voit souvent reproduit des couloirs où le loup est mobile...

« Très mobile oui. »

...mais mobile sur un espace qu’il adopte ou bien est-ce un migrateur permanent ?

« Il est à la fois capable de, entre guillemets, occuper un espace de 80 à 100 km2 en meutes, quand il est structuré en meutes, et s’y fixer. Il faut savoir que le loup dans son intérêt personnel... parce qu’il ne pense qu’à lui le loup... notre conversation ne l’intéresse pas, son intérêt c’est de se structurer en meute, d’avoir un espace qui varie entre 80 km2 et 200 km2 suivant la couverture végétale et les forêts et aussi évidemment c’est lié aux ongulés qui vont pouvoir s’y développer. En Alaska c’est plutôt 200 km2 pour une meute et chez nous ce serait plutôt 80 km2. Il a intérêt à ce qu’il y ait d’autres meutes pour former un échiquier, car le loup chasse mais pas en dehors de son territoire. Donc il rabat le gibier vers la meute voisine qui elle même va le lui rabattre. Ce fameux gibier va se développer, se fortifier, se reproduire. Même pour les fédérations de chasse le fait d’avoir des meutes structurées, pacifiées, entre guillemets, qui s’attaqueront moins aux animaux domestiques parce qu’on les laisse tranquilles sera bénéfique. Simplement dans la période du sevrage des petits, 5 semaines après leur naissance il y a des prédations sur les animaux domestiques pour apporter de façon vitale de la viande parfumée, douce et délicate, à volonté aux louveteaux, et cela pendant une période très courte. Si ces individus là ne sont pas gênés on a très peu de déprédation, c’est le terme utilisé quand il s’agit d’animaux domestiques. Et là tout le monde en profite : la forêt, nous avec nos réseaux et nos réserves d’eau, et même les fédérations de chasse. On aura un plus beau gibier. Une fois la reproduction faite chaque année, une partie des effectifs va migrer à 200 ou 300 kms de là pour former une nouvelle meute. S’il n’est pas gêné par l’homme, car c’est l’homme qui limite les espaces du loup il faut bien le comprendre, si l’homme décide de créer une alliance avec lui, il peut en profiter et bien sûr à moment donné quand le problème démographique du loup se présentera il faudra faire baisser ses effectifs. Ce sera indispensable pour les ongulés, pour la forêt, pour nous, afin de cohabiter. On ne pourra pas supporter des effectifs indéfiniment plus grands de loups. Mais on est loin de ces effectifs ! Vous avez des loups qui dispersent, et ceux là peuvent s’attaquer aux animaux domestiques, provoquer des déprédations relativement importantes parce que c’est plus difficile pour eux de se nourrir seuls qu’en meutes. Pour un loup chasser seul demande une forme excellente et une acuité, une intelligence exceptionnelle. Donc s’il y a des moutons sans la présence de l’homme... mal parqués, ils peuvent y passer dans le parcours d’un animal qui disperse. »

Loups et lynx n’ont jamais été vraiment éradiqués du massif central

Quelles sont justement les zones concernées par sa présence ? Nous sommes dans les gorges du haut Allier et j’ai cru comprendre qu’elles en faisaient partie. Y a-t-on relevé des traces ?

« Oui alors les gorges de l’Allier c’est un couloir de circulation des loups depuis que le loup existe. Voilà. Mais c’est aussi un couloir de déplacement de tous les animaux. La faune sauvage s’y promène rive droite et rive gauche, aller et retour et pas seulement pour traverser. Le couloir c’est les gorges elles mêmes. Il faut savoir que toutes les ripisyves qui abritent une faune d’insectes, d’oiseaux et de rongeurs, sont à la fois une source alimentaire des carnivores mais aussi un couloir de migration des ongulés, petits ou grands. Et puis c’est un endroit où ils viennent s’abreuver. Ils y sont aussi à l’abri des regards car le plus grand prédateur de l’humanité, de la terre, de la planète c’est l’homme. C’est un couloir quand il y a des ripisyves où ils sont à l’abri du regard et où ils peuvent circuler très vite. Les gorges de l’Allier, celles de la Loire et les gorges de l’Espezonnette en Ardèche sont du point de vue géologique le château d’eau de la France. Il faut comprendre : château d’eau, hauts plateaux, montagnes et forêts, grands carnivores, lynx et loups. C’est vital pour eux, même l’ours. L’ours brun a disparu au 18ème siècle de ces régions et le bison 500 ans après Jésus-Christ. Les derniers bisons sauvages du royaume de France se trouvent en Margeride. Et c’est très drôle parce que le parc aux bisons actuel est en Margeride. Il est revenu naturellement là où il y avait les derniers bisons. Et l’ours va disparaître entre 1750 et 1900, exterminé parce qu’il est facilement exterminable. Mais le loup et le lynx non. Eux ils ont survécu à l’état naturel dans le massif central. Ils ont survécu en tout petit nombre mais n’ont jamais complètement disparu. Le lynx des cavernes du massif central n’a jamais été éradiqué tel que c’est dit dans les ouvrages scientifiques. »

Les différentes races de loups dans la région

« Il y avait deux, je dirais trois, loups précis. Il y avait deux loups d’un point de vue éthologique, du point de vue de l’espèce ou de la sous-espèce on va dire, parce que le loup est une espèce mais il y a des sous espèces de loup... on a par exemple le loup d’Amérique du Nord et de la côte est qui est une sous espèce de loup qui peut s’accoupler avec les coyotes, et quand les colons vont arriver sur la côte est ils vont chasser les loups et ceux ci vont se déplacer vers le nord alors que les coyotes du sud vont monter. Et à un moment donné la sous espèce de loups de la côte est va être tellement éradiquée par l’homme que les derniers d’entre eux vont s’accoupler avec des coyotes et donner le coyloup. On a donc des sous espèces de loups. En Europe et en France on avait deux types de loups, un loup d’Europe centrale, gris et assez gros, qui s’attaque aux poulains, aux chevaux et bovins, en ce qui concerne les animaux domestiques, ainsi qu’aux grands animaux sauvages comme le cerf, la biche etc. On avait aussi un loup levretté comme le loup dit italicus, plus petit, qui cohabitait dans le massif central. Et on avait un troisième loup, un loup caractériel, un loup déviant, qui pouvait appartenir à l’une ou l’autre des deux espèces et s’attaquer à l’homme. Mais à l’homme dans des conditions exceptionnelles, à savoir qu’à l’époque de l’explosion démographique de la fin du 18ème les plus pauvres prêtent leurs enfants aux plus riches qui exploitent ces enfants dans les fermes, leur donnent des bêtes à garder, cochons, veaux, ovins, à la lisière de bois qui fourmillent de loups, et ces enfants qui ont un âge moyen de 12 à 14 ans font la taille de nos enfants de 6 ans, et ils vont être prédatés, sans que ça gêne qui que ce soit, par le loup. Evidemment le loup ne prédate pas naturellement nos enfants si on les protège, à savoir que les seuls enfants prédatés par le loup ne sont pas des enfants du capitalisme, ce sont des enfants d’Inde. En Inde on a encore des familles très pauvres qui envoient leurs enfants garder des animaux domestiques dans des endroits infestés de loups, ou dans des zones où il y a du tigre. Et là évidemment on a des déprédations de ces animaux là sur ces enfants. »

Et pas de traces à Alleyras ?

« Ah si ! Alleyras est un carrefour dans la mesure où le couloir... qui y débute pour se terminer au dessus de Langogne, on va dire que les loups sont sur les gorges de l’Alllier avant Langogne et après il rejoigne, sans passer par Langogne évidemment, ils ne traversent pas la ville, ils rattaquent les gorges pour se déplacer vers le nord et Alleyras curieusement c’est un endroit où ils vont se séparer pour migrer en direction du Cantal et de la Corrèze ou vers le Livradois Forez. Ils vont partir vers le nord est ou vers le nord ouest. Alleyras est un carrefour. On les y entend, certains en voient. Je mène une enquête dans les prochains jours sur le cadavre d’un loup en dessous de Condres, pas très loin d’Alleyras. Il y aurait eu un loup ou braconné ou empoisonné ou mort naturellement, on ne sait pas. Une rumeur circule sur un cadavre non ramassé, non enterré, sous Condres. Enquête qui aboutira vraisemblablement pas parce que les langues sont très difficiles à délier. On a récemment une louve et des louveteaux qui ont été vus à Briges sur le lac de Naussac. Moi même j’ai ramassé de la bourre, vraisemblablement de louveteau dans les gorges de l’Allier. De la bourre noire. Sous le poil de garde qui protège les loups de l’humidité on a une bourre laineuse, que n’ont pas les chiens. Sauf les huskis et les chiens loups. Cette bourre que j’ai trouvée ne peut appartenir qu’à un huskis, un chien loup ou un loup. Il faut savoir que les louveteaux quand ils naissent sont plutôt noirauds. Je vais la présenter à quelques spécialistes pour confirmation. »

Combien d’animaux dans le sud du massif central ?

« Je peux donner une fourchette basse pour le secteur sud du massif : on peut vraisemblablement estimer leur nombre à une quarantaine, divisés en 4 meutes, et quelques loups dispersants, migrants, des Alpes, qui ont pas intégré encore ces meutes. Ou bien des loups qui migrent depuis ces meutes ailleurs. Ça c’est la fourchette la plus basse. La haute c’est le double. »

Les éleveurs le craignent-ils encore ?

« Il y a quand même une crainte, une petite angoisse subliminale des éleveurs mais j’ai même des cas très curieux : je connais un gars qui est artisan maçon, fils de paysan, très costaud, qui a peur du loup. Il a peur d’en rencontrer un et d’être attaqué. Il m’a dit : si je nettoie mes bois avec ma tronçonneuse et que je vois un loup je le coupe en deux ! Textuellement. Ça veut dire qu’il a peur d’être attaqué parce que pour couper un loup en deux avec une tronçonneuse dans un bois il faut que ce loup vous saute dessus, sinon vous ne pourrez pas le couper, il est plus agile que vous. Il a peur pour lui et pour ses enfants aussi. Il m’a dit : toi tu fais le malin... tu nous impose le loup en Lozère mais si ta fille était dévorée par un loup on verra la tête que tu fera. Donc il a une vraie peur. C’est viscéral. La phrase numéro un des gens du pays c’est : nos anciens ont éradiqué le loup, ils ne l’ont pas fait pour rien. Ils l’ont fait pour une bonne raison. Alors qu’en réalité ceux qui ont éradiqué le loup l’ont fait sans savoir le rôle du loup dans la biodiversité et ce qu’il avait à leur apporter. Ils l’ont fait en totale méconnaissance de l’équilibre qu’il pouvait apporter ou du déséquilibre quand il est en surnombre. Et eux considèrent que tout ce qu’on fait leurs ancêtres est mieux que ce que nous faisons. Et puis ils sont attachés à leurs racines, c’est les contrarier que de leur dire aujourd’hui : vos ancêtres ont eu tort d’éliminer les loups car ils ont beaucoup à nous apporter tant sur le filtrage des nitrates, la fixation des phosphates et la retenue des sédiments dont je n’ai pas parlé tout à l’heure. Car quand on ralentit par un effet papillon la circulation d’eau les sédiments se déposent au lieu de s’accumuler plus bas. »

Une opération originale pour éloigner le loup des troupeaux

« Pour faire sourire, nous avons mené une opération avec beaucoup de succès l’année dernière sur un secteur de la Haute Loire, on a pu couvrir pour une première année pendant un mois et demi de période dangereuse pour les troupeaux des éleveurs. Il n’y a pas eu d’attaque. »

Vous avez donc mis sous les tentes des enfants abandonnés par des familles dans le besoin...

« Non uniquement des touristes qui étaient chargés de vivre leur vie, sans être là pour faire le boulot des éleveurs, travailler ou garder le troupeau, mais simplement leur présence et l’animation qu’ils créaient eux même ou éventuellement avec leur chien éloignait le loup. Par contre il y a eu une attaque sur l’un des deux qui a refusé des campeurs à quelques kilomètres du premier. Un prélèvement de 25 kilos de viande sur une brebis qui portait ses petits, à quelques kilomètres à vol d’oiseau des campeurs. L’opération a donc été un succès mais socialement non car ils ont subi des pressions : la pression de l’apéritif c’est-à-dire que les jeunes en GAEC avec leurs parents n’étaient plus invités aux apéritifs, ils s’étaient fait avoir par les écolos... Et il y a eu aussi une pression des syndicats. Je n’ai pas pu renouveler mes contrats pour continuer cette expérience qui n’était qu’une expérience. Rien de plus. Il ne s’agissait pas de dire qu’on avait trouvé la recette miracle mais la trithérapie du loup c’est : la nuit, un troupeau qui est enfermé dans un parc au moins avec 5 fils de ligne assez haut, une présence humaine que ce soit des campeurs ou autre chose et des chiens patous. Là on n’avait que les campeurs aux troupeaux, pas les 5 fils, pas les chiens. Et ça a été un succès. Et je termine : ce campeur a organisé un barbecue où j’étais invité ainsi que d’autres touristes, ça a donc créé de l’animation, et il a rencontré une dame et aujourd’hui il a une petite fille. C’est un des effets papillon du camping aux troupeaux. Elle aurait du s’appeler Ludivine mais elle s’appelle autrement ! »

De la chair fraiche pour les louveteaux

« Il y a des heures de la journée où on a un peu plus de chances de voir le loup, tout simplement à l’aube et au crépuscule. Les attaques ont lieu plutôt en fonction du sevrage des petits. Les naissances dans notre secteur ont lieu de début mai à la mi mai ou de début juin à la mi juin. Il faut rajouter 5 semaines et on a les périodes d’attaques de loups en déprédation sur les ovins. En meutes. Et ça correspond toujours. L’année dernière il y a eu deux déprédations d’ovins en Lozère et Haute-Loire, elles ont eu lieu strictement dans ces périodes. Ça n’a pas loupé et ça s’est arrêté net après. Parce qu’il y a un besoin vital pour le loup de ramener aux louveteaux en sevrage de la viande fraiche, parfumée, tendre, qui va leur plaire, pour les habituer à cet aliment nouveau qui n’est pas du lait maternel. »


Le loup aime la chair fraiche

Les célébrations des 250 ans la bête du Gévaudan

« Le festival de la Bête du Gévaudan de Langogne est arrêté, il n’est pas renouvelé. J’ai des projets culturels avec la ville de Mende. Je pense que mon rapport au loup retarde un peu leur décision mais j’aurai une réponse début juillet. A Saugues le musée ne marche pas très bien. La bête du Gévaudan, c’est assez fascinant, elle a 250 ans cet été. J’ai organisé des évènements sur elle les deux dernières années et pour ces 250 ans on ne m’a rien commandé. On ne sait pas pourquoi la bête ressurgit dans la vie culturelle et pourquoi elle disparaît. En ce moment je dirais qu’elle est dans un creux. La ville du Malzieu se préoccupait de la bête, elle est passée à des fêtes médiévales. Langogne abandonne la bête du Gévaudan alors qu’elle a 250 ans. Ce serait le moment de faire quelque chose maintenant et en 2017. Ca va peut-être redémarrer à Mende et même aller beaucoup plus loin. Je ne ma fais pas de souci pour la bête du Gévaudan, il y aura toujours des acteurs pour relancer, qu’elle reste vivace et que l’UNESCO s’y intéresse un jour en tant que patrimoine immatériel de l’humanité. »

Désinformation

« Par contre l’avenir du loup au plan national est très complexe. Il y a une désinformation sur sa réalité et un secret d’état. On peut parler de secret d’état puisque l’ONCFS est liée à l’état et que le loup est un animal régalien, c’est-à-dire que ceux qui décident sur la question ce sont le président de la république, le ministre de l’agriculture et le ministre de l’écologie, encadrés par la protection du loup de la convention de Berne et la directive Habitat de 92 et aussi de la convention internationale de Washington qui vise à protéger les grands carnivores. Tout ça est donc très encadré mais on a des braconniers, on a des trains qui écrasent des loups. Il n’a pas bonne presse et statistiquement on est à 75 % de français favorables au loup mais sur ces 75 % les personnes qui ont plus de 65 ans sont plutôt défavorables, et puis le gros des troupes favorable au loup est en ville. À la campagne un peu moins. Majoritairement on est quand même favorable au loup à la campagne, mais ces gens là à la campagne ont pour voisins des antis loups, chasseurs, agriculteurs, éleveurs, donc ils se taisent. Il n’y a pas de contre réaction aux antis loups sauf de la part de personnalités comme la mienne, qui vont être chahutées évidemment. »

Un avenir radieux pour le loup dans un massif central abandonné

« Et je dirais pour conclure : l’avenir du loup sur notre territoire, j’entends le sud massif central, est excellent lui. Parce que le loup s’intéresse au loup. Là au moment où on en parle il se fiche de nous, il nous observe beaucoup plus que nous l’observons, et il n’occupe que l’espace que lui abandonne les hommes. Il se trouve que nous sommes dans un territoire qui se désertifie, où l’agriculture change de mode, c’est-à-dire que là où on avait une famille de dix personnes sur 50 hectares on a maintenant 2 ou 3 frères en GAEC sur 300 ou 400 hectares, il faut bien comprendre que le loup le sait et le loup sait que ces éleveurs ne pourront pas le tirer et donc ils occupent l’espace. Et leur avenir est brillant ! Si je devais dire un mot : le loup a gagné la partie dans le massif central. On en a peut-être entre 40 et 80, nous en aurons minimum 500 dans une quinzaine d’années. Je le verrai avant de mourir. »


Quelques liens vers des sites :

- La bestia
- La randonnée sur ses traces